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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/23

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vii
SUR LE POËME DU VOIR-DIT.

Celle qui onques ne vous vit
Et qui vous aime loiaument,
De tout ſon cuer vous fait preſent.

Guillaume trouva le rondeau charmant, & ce qu’il venoit d’apprendre de l’aimable auteur n’étoit pas fait pour l’empêcher de répondre par un autre rondeau que Henry ſe chargea de rapporter à la demoiſelle.

Telle fut l’origine, tels les commencemens de la correſpondance qui devoit occuper une ſi grande place dans le poëme que nous publions aujourd’hui. Chaque lettre accrut l’enivrement du vieux poëte & la paſſion de ſa jeune amie. Guillaume ne manquoit pas de lui envoyer ſes nouveaux chants, ſes nouvelles balades ; de ſon côté, la demoiſelle rimoit & le prioit de corriger ſes vers. Comme elle étoit alors bien éloignée de prévoir où cette liaiſon poétique l’entraîneroit, elle ne faiſoit aucun myſtère à ſes amis, à ceux qu’elle appeloit ſon frère & ſa ſœur,[1] de ſon amoureux commerce avec le célèbre poëte ; elle en tiroit plutôt une véritable gloire & vouloit que ſon bonheur fut envié de toutes ſes compagnes. Plus tard elle eut ſoin de tenir ſecrète

  1. Jean de Conflans II, né du premier mariage de Jean Ier de Conflans avec Iſabelle de Lor : il venoit alors d’épouſer Magdelaine de Hornes ; il n’étoit donc en réalité que frère d’alliance de la demoiſelle d’Armentières.