Celle qui onques ne vous vit
Et qui vous aime loiaument,
De tout ſon cuer vous fait preſent.
Guillaume trouva le rondeau charmant, & ce qu’il venoit d’apprendre de l’aimable auteur n’étoit pas fait pour l’empêcher de répondre par un autre rondeau que Henry ſe chargea de rapporter à la demoiſelle.
Telle fut l’origine, tels les commencemens de la correſpondance qui devoit occuper une ſi grande place dans le poëme que nous publions aujourd’hui. Chaque lettre accrut l’enivrement du vieux poëte & la paſſion de ſa jeune amie. Guillaume ne manquoit pas de lui envoyer ſes nouveaux chants, ſes nouvelles balades ; de ſon côté, la demoiſelle rimoit & le prioit de corriger ſes vers. Comme elle étoit alors bien éloignée de prévoir où cette liaiſon poétique l’entraîneroit, elle ne faiſoit aucun myſtère à ſes amis, à ceux qu’elle appeloit ſon frère & ſa ſœur,[1] de ſon amoureux commerce avec le célèbre poëte ; elle en tiroit plutôt une véritable gloire & vouloit que ſon bonheur fut envié de toutes ſes compagnes. Plus tard elle eut ſoin de tenir ſecrète
- ↑ Jean de Conflans II, né du premier mariage de Jean Ier de Conflans avec Iſabelle de Lor : il venoit alors d’épouſer Magdelaine de Hornes ; il n’étoit donc en réalité que frère d’alliance de la demoiſelle d’Armentières.