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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/22

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vi
NOTICE

autres. Un jour elle prit à part maître Henry, & lui demanda s’il conſentiroit à faire le voyage de Reims pour y voir meſſire Guillaume & lui parler du grand déſir qu’elle avoit d’entretenir avec lui une correſpondance poétiquement amoureuſe. Il le prieroit de lire un rondeau fait à ſon intention, & lui demanderoit s’il le trouvoit aſſez bon.

Henry conſentit à fournir le meſſage. En arrivant à Reims, il trouva meſſire Guillaume de Machaut aſſez mal remis d’un violent accès de cette goutte auquel il étoit ſujet : mais il n’en accueillit pas moins avec une agréable ſurpriſe tout ce que ſon ami lui conta de la beauté, de l’eſprit, du ſens & des talens de la gente demoiſelle d’Armentières. Il prit la feuille de vélin que Henry lui préſenta & lut le rondeau ſuivant :

Celle qui onques ne vous vit
Et qui vous aime loiaument,
De tout ſon cuer vous fait preſent ;
Et dit qu’à ſon gré pas ne vit,
Quant véoir ne vous puet ſouvent,
Celle qui onques ne vous vit
Et qui vous aime loiaument.

Car pour les biens que de vous dit
Tout le monde communément,
Conquiſe l’avez bonnement.