Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
[vers 4463]
LE LIVRE

Lors ma dame, comme dolente,
De reſcrire ne fu pas lente,
Car certeinement bien appert
Par ſa lettre tout en appert.


XXIV. — Mon tres-dous cuer, & mon tres-dous amy, vous m’avez envoié vos lettres qui m’ont plus donné à faire & à eſtudier que lettres que vous m’envoÿſſiés onques mais. Sachiés[1] que je me merveille moult pourquoy vous faites tels plains ne tels clamours, ne pourquoy vous menés ſi dure vie : car il m’eſt avis que vous n’avés pas trouvé en mi pour quoy vous le devés faire ; ne n’eſt pas m’entention que vous li trouvés jamais ; combien que je ſoie certaine que li cuers vous fait moult mal de ce que vous eſles ſi loing de moy ; & je le ſay bien par moy-meiſme : car, en verité, je ne vous porroie eſcrire le grant meſchief que j’en ay. Mais je me reconforte en ce que, ſe Dieu plaiſt, je vous reverray brieſment : & je vous prie tant comme je puis, & commande de tel pooir comme j’ay ſur vous, que vous vueilliés oſter voſtre cuer de tout plour & de tout anoy, ſe vous volés que le mien ſoit aiſe ; & penre bon reconfort en vous. Car je vous jur & promet par ma foy que je ne vous fis onques tant de bien ne de doucours, de .c. mille tans comme j’ay grant deſir de vous en faire. Ne toute ma vie, vous ne me trouverés laſſe de faire choſe qui vous doie plaire. Si m’eſt avis que vous ne me devés point faire de dueil, ains devés eſtre en joie & en léeſce. Et je vous prie que vous y ſoiez, ſe vous m’amés de riens. Et pour ce, je vous envoie ceſte balade que j’ay puiſie en la fontaine de larmes où mes cuers ſe baingne, quant je vous voy à tel meſchief ; car par Dieu je ne porroie ne vorroie bien ne joie avoir, puis

  1. Elle ſemble lui donner à entendre ainſi, qu’elle n’a pas trouvé trop ingénieuſe cette façon de correſpondre ; & nous ſommes un peu de cet avis.