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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/248

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LE LIVRE

tous les jours plus de cent fois, & ſi ſay certainement que je ne feray jà vers vous fauſſété par quoy je doive avoir nul blaſme. Et pour toutes ces cauſes ne me chaut-il ſe nos amours ſont deſcouvertes. Et ainſi vous ſavés bien que c’eſt pour le milleur. Et, mon dous cuer, vous m’eſcrivés que vous avés ſi grant joie de mon bon renon qu’il n’eſt mal qui vous puiſt venir. Et, par Dieu, mon dous cuer, ſi ay-je dou voſtre, & je l’en doi bien avoir, car je croy qu’en tout le monde n’en a nul qui ait meilleur renommée de vous de tous les bons ; & vous ſavés que ce fu le commencement de nos amours, lequel fu trop tart, à mon gré ; car c’eſt le plus grand regret que j’aie que du bon temps que nous avons perdu : & n’ay riens que je ne voſiſſe avoir donné par quoy nous éuſſions plus toſt commencié. Et, mon dous cuer, vous m’eſcriſiés que vous venrés briefment deffermer le treſor dont vous avés la cteſ ; & ſe ceuls que vous m’avez mandé qui ſeront au deffermer y ſont, la compagnie en vaudra mieus, & je penſe bien que il y ſeront. Et ne cuide mie que ſe Deſirs y vient, qu’il nous puiſt en riens grever ;[App. XLVI.] car celle noble compagnie l’aroit toſt deſconfit. J’ay veu le rondel que vous m’avez envoié, & y ay bien trouvé mon nom : & ay grant joie de ce que vous eſtes remis à faire noſtre livre, car j’ay plus chier que vous le faciés que autre choſe, & me ſouffira, ſe vous m’envoiés, toutesfois que vous m’eſcrivés, .i. petit rondelet ou aucune chanſon nouvelle. Car je n’en vueil nulles aprendre que des voſtres ; &, par ma foi, il ne me deſplaiſt point ſe vous envoiés à autres qu’à moy ; car choſe qui vous plaiſt ne me porroit deſplaire. Mais qu’il vous plaiſe que je les aie la premiere. Je ne vous envoie pas ce que vous m’avés mandé, pour ce qu’il m’eſt avis qu’il ne ſeroit pas bon de l’envoier par ce meſſage ; mais je le vous envoieray par voſtre vallet, la premiere fois que vous le m’envoierés, avec vos patemoſtres[1] que je ne

  1. Les paternoſtres étoient un chapelet dont chaque grain répondoit à un Pater Noſter qu’on devoit réciter ; de là : dire ſes patenôtres.