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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/250

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[vers 4566]
LE LIVRE

Ymaginé & concéu.
Et certes quant bien l’ymagine,
Je la compere à la roÿne
Qu’on appelloit Semiramis,
Qui d’avoir fu riche & d’amis,
Et roÿne de Ninivée,
Séant en marches de Caldée.
Valerius Maximus conte
Et ſi dit ainſi en ſon conte :
Semiramis fut une dame
Qui voult honneur & haÿ blame,
Et n’ot pas le cuer ſi entort
Que à nul voſiſt faire tort ;
Et elle auſſi ne voloit mie
Que l’en li féiſt villenie,
N’à ſa gent honte ne damage.
Garder voloit ſon héritage,
Et moult amoit ſes bons amis,
Mais fort haoit ſes ennemis ;
Et trop plus amoit, ſans doubtence,
Miſericorde que vengence.
Car elle eſtoit franche & piteuſe,
Et dou mal d’autruy dolereuſe.
Un jour advint qu’en ſon palais,
Qui fu grans & biaus, non pas lais,
Où il ot grant chevalerie,
Et pluſeurs gens de ſa maiſnie,
Un meſſage vint en grant halle,
Qui diſoit à tous : « Or me haſte,
« Parler m’eſtuet à la Roÿne. »
Encor eſtoit en ſa courtine[1]

  1. Dans ſes rideaux.