Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[vers 5145]
221
DU VOIR-DIT.

« Malebouche la fait couarde,
« Paour & Doubte de meffaire.
« Et Fortune m’i eſt contraire :
« Car il ha près de .ix. ſemaines
« Que de li nouvelles certaines
« N’oÿ, dont je ſuis en doubtance
« Qu’elle n’ait aucune grevance,
« Où que ſon cuer ne ſoit ailleurs ;
« Qu’elle trop en voit de milleurs.
« Toute-voie j’ay ſon ymage
« Pourtraite au vif en une page,
« Si bien, ſi bel, ſi vivement,
« Qu’on ne porroit plus proprement.
« N’a qu’un po que je l’aouroie
« Et mon ſervice li paioie,
« Mais elle me tourna le chief,
« Dont je fui à trop grant meſehief.
« Mais encore, pour mon mal eur,
« Sa robe qui eſtoit d’aſur,
« Qui Loyauté ſignefioit,
« Et où mes cuers moult ſe fioit,
« Fu en couleur de vert changie,
« Qui nouvelleté ſignefie.
« Dont je ſuis en ſi petit point
« Que mais de joie en moy n’a point,
« Qu’elle ne puet à moy venir ;
« Et ſeulement par ſouvenir[1]
« Qui li empeſche ſa venue ;
« Las ! ce m’ociſt, & me par-tue.

  1. Par la préoccupation de ce qui peut l’empêcher de venir. Souvenir a été pris plus haut dans le même ſens.