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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/33

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SUR LE POËME DU VOIR-DIT.

ſexagénaire. C’eſt ce double caractère d’une admiration légitime & d’une fantaiſie déréglée qui ſe révèle dans ſes lettres. Elle commença au mois de mars 1807 une correſpondance ſuivie avec le célèbre poète, qui répondit par de tendres ſonnets à ſes lettres enthouſiaſtes. »

Le biographe ne dit pas tout : Goethe ne s’en étoit pas tenu aux ſonnets ; il avoit vu Bettina, avoit accueilli avec intérêt l’expreſſion exaltée de ſa tendreſſe, & les lettres de la jeune fille tendent à nous perſuader qu’elle n’aima pas en pure perte. Je veux bien que Bettina ſe ſoit un peu flattée : elle n’avoit pas de beauté ; la famille n’étoit entourée d’aucun preſtige, & les écarts d’imagination qu’on avoit reprochés à ſon frère & à ſa meilleure amie, Mme de Gunderode,[1] auroient pu laiſſer ſur l’eſprit de Goethe une prévention défavorable. Quoi qu’il en ſoit, l’hiſtoire de Bettina eſt préciſément celle de la demoiſelle qui, plus de trois ſiècles auparavant, avoit inſpiré notre poëme. Et, circonſtance non moins ſingulière, l’amie de Guillaume de Machaut montra le même empreſſement que la jeune Alle-

  1. Cette dame s’étoit donne la mort en 1806, parce que le profeſſeur Creutzer n’avoit pas répondu à ſa folle paſſion. — Bettina épouſa plus * tard Louis-Achim d’Arnim, oncle, je crois, du diplomate allemand aujourd’hui ſi connu par ſa correſpondance & le procès qui lui fut intenté. Bettina n’a ceſſé de vivre qu’en 1859.