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DU VOIR-DIT.

Comment il puiſt faire brief retournée,
Et que, par ce, ſouvent grief peine endure.
Dont ſe je fais mon devoir, par droiture,
Je le doy bien pour excuſé tenir,
Car cuers donnez ne ſe puet retollir.

Je ſuis de li en tous lieus honourée,
Et par ſon bien mon honneur croiſt & dure ;
Or ſoit certains, tant com j’aray durée,
Je l’ameray de loial amour pure.
Ne je ne croy qu’où monde ait créature
Qui m’amour puiſt de lui faire partir,
Car cuers donnez ne ſe puet retollir.

XXXVIII. — Mon tres-dous ceur, ma tres-douce amour & mon tres-chier amy, j’ay receu vos lettres & ay moult grant joie de ce que vous n’eſtes pas alez là ou vous m’aviez eſcript ; car j’avoie grant doubte que n’éuſſiez anoy en chemin. Je ne vous eſcris riens à l’autre fois de voſtre livre que vous m’avez envoié, pour ce que je ne l’avoie mie leu. Mais je l’ay leu depuis .ii. fois. Si me ſemble qu’il eſt moult tres-bons ; & quant il plaira à Dieu que je vous voie, laquelle choſe ſera briefment, ſe Dieu plaiſt, je vous diray aucune choſe dont il amendera. Les .ii. balades que vous m’avez envoïes ſont ſi bonnes que on n’y ſaroit trouver que redire. Mais ce n’eſt pas compariſon, car ce que vous faictes me plaiſt trop mieus à mon gré que ce que li autre font. Et auſſi ſuis-je certaine que auſſi fait-il aux autres. Vous m’avez eſcript qu’il n’eſt doleur ſi grant come d’amer long de li, & par ma foy je le ſçay bien, car je ne cuide mie qu’il ſoit créature ou monde qui en puiſt avoir plus de peine que j’endure. Et, mon dous cuer, pour ce que je ſay bien que vous l’avez autele come j’ay, vous promet-je à y mettre tel remede que nous nous verrons briefment à grant joie. Et pour ceſte cauſe ſeulement, je ſeray ou vous ſavez, dedens .viii. jours, ſans faulte. Et ſi toſt come je ſeray là, vous orrez telles nou-