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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/356

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[vers 7429]
LE LIVRE

« Certeinnement, li vens qui vente
« N’eſt pas de tous ſi congnéus
« Comme on dit qu’eſtes decéus.
« Et cuidiez-vous qu’elle vous aime,
« Pour ce que ſon amy vous claime ?
« Auſſi amy clameroit-elle
« Le plus eſtrange de Caſtelle,
« Et li ſeroit chiere d’amie
« S’il venoit en ſa compaignie.
« Car elle eſt aperte & courtoiſe,
« Et ſcet bien qu’Amours vault & poiſe.
« Je ne di pas qu’elle l’amaſt,
« Pour ytant qu’amy le clamaſt ;
« Car mainte dame amy clamé
« À maint, ſans eſtre d’elle amé. [App. LXXIX.]
« Je ne parole pas en blaſme,
« Car elle eſt bonne & preude femme,
« Sage, honneſte, cointe & aperte ;
« Et n’eſt ombrage ne couverte.[1]
« Mais je le di pour vous, amis,
« Qu’Amours en voſtre cuer a mis
« Une amour qui n’en puet partir,
« Et qui vous fait vivre martir :
« Et folement vo temps uſez,
« Qu’engluez eſtes & ruſez ;
« Et ſoiez certeins qu’on s’en moque.
« Et pour ç’, amis chiers, je vous lo que
« Vous laiſſiez ceſte amour eſter,
« Et plus n’y vueilliez arreſter.
« Si qu’, amis, créez mon conſeil,
« Qu’en bonne foy le vous conſeil. »

  1. Ombrage, adjectif. Cachée.