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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/394

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[vers 8359]
LE LIVRE

Ainſi ſa grace donne & tolt,
Et legierement la retolt ;
S’il eſt voirs ce qu’on m’en a dit,
Autrement, ne di-je en mon dit.

(Reſponſe au quint cercle.)

Quant, premiers, ma dame acointay.
Et véu ſon atour cointe ay,
Ne regarday commencement
Ne fin ; dont je fis folement :
Car on dit que ſagement ouevre
Cils qui voit la fin de ſon ouevre.
Si que folement m’eſgarday,
Dont certains ſuis qu’encor aray
Aſſez de meſchief & d’angoiſſe.
Fortune veult qu’on la congnoiſſe,
Et s’on la congnoiſt qu’on la fuie
Plus que li chas ne fait la pluie.
Las & j’ay ma dame ſievi
Que je déuſſe avoir fui ;
Dont je me tieng pour decéu,
Que je ne l’ay mieus congnéu.
S’il eſt voirs ce qu’on m’en a dit
Autrement, ne di-je en mon dit.

Or eſt ma dame comparée
À Fortune la forſenée,
Car bien pevent aler enſemble ;
Pour ce qu’à Fortune reſſemble,
En cas de variableté
Où il n’a point d’eſtableté.
Car vraiement elle ſe mue
Si com fait eſpreviers en mue.
Mais elle mue ſon courage
Et li eſpreviers ſon plumage,
Et ſi ſcet bien aler au change,
Car ſouvent varie & ſe change.