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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/396

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[vers 8423]
LE LIVRE

Le cuer de l’oiſel, c’eſt la chaſſe ;
C’eſt ce pour quoy il vole & chaſſe.
Einſi le paiſt, einſi le livre
Dou cuer de l’oiſel ſeur le luire.
Et quant, pour crier ne pour braire,[1]
Ne pour choſe qu’on puiſſe faire,
Li faucons ne laiſſe l’empriſe
Dou change qu’il a entrepriſe,[2]
Se ſa proie prent en volant,
Li gentils quens, à cuer dolent,
Le traite felonneſſement,
Et ſi, parle à li rudement.
Et quant il prent aucun oiſel,
Dedens un molin à choiſel,[3]
Ou en la riviere le gette.
Par quoy li faucons ait diſette :
Ne de l’oiſel cuer ne coraille
N’autre paſture ne lui baille.
C’eſt la vengence qu’il en prent,
Quant il change & ne ſe reprent.

Si que, ſe ma dame de pris
À vers moy un petit meſpris,
Je li doy monſtrer ma clamour
Piteuſement & en cremour,
Com cils qui ſon courrous reſſongne ;
Et li prier que ne m’eſlongne.

  1. Mais quand le faucon n’obéit pas à celui qui l’a lancé…
  2. C’eſt-à-dire, quand le faucon, au lieu de ſuivre l’oiſeau vers lequel on l’a lancé, s’attache à une autre proie. Variante :

    Tant qu’il ait conſéu ſa priſe…
     
  3. À choiſel, c’eſt-à-dire à écluſe. (Ducange, au mot Molendinum.)