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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/405

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[vers 8579]
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DU VOIR-DIT.

Longuement & à grant loiſir,
Unes lettres me preſenta,
Et dit, avec ſon preſent, a :[1]
« Sire, ſe la lettre eſt moillie
« Que tenez & que j’ay baillie,
« Je vous pry qu’il ne vous anoit,
« Car, ſe Jheſucriſt ne renoit
« Mon ame au jour du Jugement,
« Les larmes vi piteuſement
« Deſcendre de la fontenelle
« Du cuerinet de Toute-belle,[2]
« Quant ces lettres furent eſcriptes ;
« Et, en plourant, furent maudites
« Les langues des faus meſdiſans
« Si fort, que, paſſé a .x. ans,
« Ne vy choſe ſi fort maudire :
« Si que Toute belle, à voir dire,
« De ſes larmes ainſi mouilla
« Ceſte lettre & la me bailla. »
Et quant il ot dit ſa parole,
Je, qui ay eſté à l’eſcole,
Liſi la lettre mot à mot,
En l’eure que baillié la m’ot.
Si, vi qu’il y avoit créance ;[3]
Lors fui-je ſans nulle doubtance
Que ce qu’il avoit dit tenoit
De ma dame, & qu’il en venoit,
Qui a de la douce roſée

  1. Et a dit en me les préſentant.
  2. Du petit cuer.
  3. C’eſt-à-dire, qu’elle avertiſſoit d’avoir créance en celui qui lui remettroit cette lettre.