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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/406

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[vers 8607]
LE LIVRE

De ſon cuer ſa lettre arouſée ;
C’eſt de ſes larmes proprement,
Ou ſon meſſage propre ment ;
Le quel je reputay, ſanz fable,
Sage, loial & veritable,
Et croy que pas ne ſe parjure.
Lire les poez ſans injure.


XLIV. — Mon tres-chier amy bien amé de mon cuer, je me recommande à vous, tant come le cuer de voſtre amie puet plus penſer, & comme celle qui tousjours eſt en .i. propos de ce que je vous ay promis ; ne pour riens je ne m’en pourroie tenir que je ne vous eſcriſiſſe & féiſſe ſavoir mon eſtat. Et pour ce que je ne vous pourroie tant eſcrire, car ce ſeroit trop longue choſe, j’ay dit la plus grant partie de ma volenté au porteur de ces lettres, liquels eſt bien mes grans ſires & amis ; & je ſcay bien que auſſi eſt-il li voſtres. Et tout ce que je ly ay dit, je ly ay dit en confeſſion, & chargié, ſeur l’ame de lui, que jamais ne ſoit dit à nulle perſonne que à vous. Et, pour Dieu, je vous ſupply qu’il ne vous vueille deſplaire ſe je ly ay dit, car, en l’ame de moy, je croy que le cuer me fuſt crevez ou ventre ſe je n’éuſſe deſcouvert mon meſchief à aucune perſonne ; & je cuide qu’il eſt bien ſi voſtre amy que vous ne vous en devriez mie courroucier. Si vous pri tant humblement come je puis que vous le vueilliez croire de ce qu’il vous dira de par moy ; que, jà Dieu ne me doint honeur ne joie de choſe que je lui requiere, ſe je ly ay de riens menty de ce que je ly ay dit. Mon tres-chier amy, vueilliez moy reſcrire de voſtre eſtat ; ſi me ferez grant joie & grant confort. Et ne vueilliez mie perdre la clef du treſor que j’ay,[1] car ſe elle eſtoit perdue je ne croy mie que péuſſe jamais parfaitte joie. Par Dieu, il ne ſera jamais deffermés d’autre clef

  1. C’eſt le point qui devoit lui donner le plus d’inquiétude.