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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/424

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LE LIVRE

jure, par tous les ſeremens que femme porroit faire, que jamais créature ne croiray encontre vous, pour choſe qu’on m’en die ne raporte ; & je vous tien pour ſi bon & ſi loial, je ſuis certeinne que auſſi ferez-vous de moy. Mon tres-dous cuer, freres, compains & tres-loiaus amis, vous m’avez eſcript que vous me venriez veoir. Si, vous pri ſi chierement come vous amez mon bien, ma pais, ma joie & ma vie, que vous ne vous metez point en chemin, ſe li païs n’eſt plus ſéurs. Car vous ne me porriez plus correcier en monde que de venir vers moy en peril de voſtre corps ; & jamais je n’aroie bien ne joie, ſe vous aviez aucun empeſchement. Mon tres-dous cuer, vous m’avez eſcript pieſſa, en unes autres lettres dont je ne fis onques reſponſe, que je vous eſcri plus brieſment & plus obſcurement que je ne ſoloie : & en verité vous dites voir. Mais c’eſt pour ce que je ne trueve pas tousjours clerc en qui je me fie bien, pour eſcrire pardevers vous. Et comment que je vous aie tousjours acouſtumé à eſcrire ouvertement, & que pluſeurs ſcevent les amours de vous & de moy, n’eſt-il nuls qui en ſaiche parfaitement la verité, fors une[1] & moy & voſtre ſecretaire. Et, pour Dieu, mon dous cuer, ne doubtez que je le face pour nulle autre choſe : car il ne ſe fait pas bon fier en tous, & tels le porroit veoir qui porroit penſer ce qui n’eſt pas. Et vorroie bien que vous ne me eſcriſiſſiez point, ſi ce n’eſtoit chanſons, ou ſe ce n’estoit par voſtre vallet qui autrefois y a eſté, & qui ſcet la maniere. Et ſi m’eſt advis que c’eſt le meilleur. Mon tres-dous cuer & mon tres-dous amy, je vous pri tant doucement comme je puis, que vous ne vous vueilliez courrecier du joiau que je vous ay envoié par voſtre ſecretaire, lequel a eſté pris en mon treſor. Car je vous jur par tous les ſeremens que nuls puet faire, que puis que je vous vi, je n’en oſtay nuls, fors celi que je vous ay envoié. Et ſoiez certeins que ſe je héuſſe cuidié qu’il vous

  1. La Colombelle.[App. XCIV.]