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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/49

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SUR LE POËME DU VOIR-DIT.

On trouvera conſtamment dans le Voir-Dit la preuve de cette façon de procéder. Peronnelle d’Unchair envoie la première un tendre meſſage à Guillaume de Machaut ; elle lui adreſſe le premier rondeau ; elle lui écrit la première lettre ; enfin, elle lui accorde des faveurs qui pourront ſembler aſſez grandes, avant qu’il ait eu la hardieſſe de les demander. Ô mes amis ! c’étoit là le bon temps. Et puis, ce quatorzième ſiècle, que nous nous figurons recouvert d’un voile pieuſement lugubre, ſavoit merveilleuſement concilier les exercices de dévotion avec les habitudes de plaiſir. Sans parler du joyeux pèlerinage que nos amoureux feront à Saint-Denis, on verra Guillaume ſe ſouvenir à propos de la neuvaine qu’il avoit jadis vouée à une égliſe juſtement voiſine de la réſidence de ſa maîtreſTe : & tout en accompliſſant cette neuvaine, s’engager à joindre à la prière de chaque jour une pièce de vers amoureux. La prière eſt pour le dieu du ciel ; la balade pour le dieu terrien, comme il appelle ſa maîtreſſe. Peut-être ſerons-nous aujourd’hui ſcandaliſés de cette ſorte d’accord entre l’amour divin & l’amour profane ; mais le quatorzième ſiècle n’avoit ni les mêmes ſcrupules ni la même délicateſſe. Dans ces temps de foi (j’allois dire de féodalité), trois grands devoirs s’impoſoient au prud’homme : honorer & craindre Dieu ; —