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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/54

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[vers 19]
LE LIVRE

Or vueil commencier ma matiere,
Pour ma tres-douce dame chiere ;
Et diray toute m’aventure
Qui ne fu villaine ne ſure ;
Ains fu courtoiſe & agréable,
Douce, plaiſant & delitable.
Car j’eſtoie deſcongnéus,
Et de joie deſpourvéus ;
Mais doucement fui confortés
Par elle ; & fu mes confors tés :[1]

Il n’a pas un an que j’eſtoie [App. I.]
En un lieu où je m’esbatoie,
Qui eſtoit d’arbriſſiaus couvers
Par tout ; & ſi, eſtoit tout vers,
Biaus & jolis & gracieus.
Et pour eſtre delicieus,
Là n’avoit choſe qui l’encombre :
Si, m’eſtoie couchiés en l’ombre,
Par quoy la chaleur dou ſoleil
Ne me grevaſt n’au corps n’à l’ueil :
Si que parfondement penſoie
Par quel maniere je feroie
Aucune choſe de nouvel,
Pour tenir mon cuer en revel.
Mais je n’avoie vraiement
Sens, matiere ne ſentement
De quoy commencier le ſcéuſſe,

  1. Ces mots confort, reconfort ſont tellement néceſſaires que nous les avons aujourd’hui redemandés aux Anglois qui nous les avoient, dans l’origine, empruntés. L’Académie dit de Confort & de Reconfort, qu’ils ſont vieux : c’eſt plutôt du renouveau.