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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/61

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DU VOIR-DIT.

« Que ceſte dame éuſt memoire,
« Ne que de moy li ſouveniſt
« Jamais, ſe d’Amours ne veniſt.
« Mais Amours eſt ſi tres-ſubtive
« Qu’elle ſe boute & ſi s’avive
« Es cuers qui onques ne ſe virent ;
« De loing ſe aiment & deſirent.
« Vous la m’avez ſi fort priſie
« De ſens, d’onneur, de courtoiſie,
« Et de tous les biens que Nature
« Puet ottroier à créature,
« Que je tieng, ſe Dieus me doinſt joie,
« Que le Rondel qu’elle m’envoie,
« Et ſon cuer qu’elle me preſente
« Soit en bonne & en vraie entente ;
« Et que jamais ne me clamaſt
« Son ami, s’elle ne m’amaſt.
« Si, que je tieng que j’ay amie
« Belle, bonne, cointe & jolie.
« Bien porroie eſtre voir diſans :[1]
« Car vraiement il a diz ans,
« Voire, à m’entente, plus de douze,
« Que j’ay goulouſé & goulouſe
« Qu’Amours me donnaſt une dame
« Qui belle, bonne & preude fame
« Fuſt, & que, ſans plus, je cuidaſfe
« Qu’elle m’amaſt & je l’amaſſe ;
« Si, que je, pour l’amour de li,

  1. Dans l’ancien uſage, les verbes vouloir, pouvoir, devoir, étaient ſouvent des formes du temps conditionnel : comme en anglois les could, would, should ; ainſi : Je porroie eſtre voir diſant, doit s’entendre : Je ſerois dlſant vrai.