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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/88

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[vers 825]
LE LIVRE

Et ſont, icy après, eſcriptes.
Et ſe faute y a ou redites,
Maladie m’eſcuſera
Envers celui qui les lira.
Ce ſont .iij. chanſons baladées
Qui ne furent onques chantées.
Une balade y ha auſſi
Qu’en joie fis & en ſouſſi.
Je les tramis par le varlet
Qui vers ma dame s’en alet.

BALADE.

Véoir n’oïr ne puis riens qui deſtourne
Moi ne mon cuer, quel part que face tour,
Qu’à vous touſdis ma penſée ne tourne,
Et que voſtres ne ſoie ſans retour.
Si que de loing voy voſtre coint atour
Et vo gent corps où il n’a que redire,
Pour ce, touſdis, ma penſée à vous tire.

Li dous penſers à vous amer m’atourne
Tres-loiaulment, & j’auſſi m’i atour,
Mais mon deſir mon mémoire beſtourne ;
Dont mainte fois de la gent me deſtour.
Là, vois ſouffrir ſa pointure en deſtour,
Là, doucement m’aſſault & me martire.
Pour ce, touſdis, ma penſée à vous tire.

Mais cils deſirs n’atent pas qu’il adjourne,
Pour moi faire maint amoureus eſtour,
Dont mes vrais cuers qui demeure & ſejourne
En vo priſon qui n’eſt chaſtiaus ne tour,
Ains eſt plaine de joie & de triſtour,
Reçoit pour vous ſouvent joie & martire.
Pour ce, touſdis, ma penſée à vous tire.