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LE LIVRE

plaiſt & je puis. Et, ſur ce, je ay fait une balade laquelle je vous envoie encloſe en ces preſentes ; & y feray le chant du plus toſt que je pourray aveuc vos .ij. choſes que vous m’avez envoies. Je vous envoie auſſi une balade de mon piteus eſtat qui a eſté ;[1] ſi vous pri que vous en aprenez le chant, car il n’eſt pas fort, & ſi me plaiſt tres-bien la muſique. Si verrez comme je prie aus dames qu’elles ſe veſtent de noir, pour l’amour de moi. J’en feray une autre où je leur prieray que elles ſe veſtent de blanc pour ce que vous m’avez gari ; &, vraiement, pour l’amour de vous ſeulement, elles ſeront toutes d’or-en-avant de moi ſervies & loées plus que onques-mais. Car vous avez reſuſcité mon corps & mon petit engien qui eſtoit tous arrudis. Ma tres-chiere dame, je me recommande à vous tant humblement comme je puis, & vous di que vous ne me devez riens commander ; ainſois devez penre moi & quanque j’ay en tous eſtas, comme voſtre choſe, & comme cellui qui eſt tout voſtres, ſans riens retenir. Ma tres-chiere ſouveraine dame, je pri Dieu qu’il vous doinſt honneur, joie, pais, & ſanté tele comme vous méiſmes vouriés avoir ; &, ma tres-chiere dame, je vous ſuppli que ſe jamais vous m’eſcriſiés aucune choſe, que vous ne m’apellez pas ſeigneur ; car qui de ſon ſerf fait ſon ſeigneur, ſes ennemis mouteplie ; &, par Dieu, c’eſt trop plus biaus nons d’amy ou d’amie ; car quant Seignourie ſault en place, Amours s’en fuit.[2][App. XIII.]

Voſtre tres-loial ami.


Li printemps vint biaus & jolis,
Et je fu cointes & polis,
Liés de cuer, gais & envoiſiés,
Et de tous mes maus acoiſiés,

  1. C’eſt la balade qu’il appela ſon Teſtament & qu’on vient de lire précédemment, p. 25.
  2. Quand Seigneurie prend la place, Amour s’enfuit.