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Page:Maeterlinck - Pelléas et Mélisande, 1907.djvu/68

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Scène III

Une fontaine dans le parc.
Entre Pelléas.
PELLÉAS.

C’est le dernier soir… le dernier soir… Il faut que tout finisse… J’ai joué comme un enfant autour d’une chose que je ne soupçonnais pas… J’ai joué en rêve autour des pièges de la destinée… Qui est-ce qui m’a réveillé tout à coup ? Je vais fuir en criant de joie et de douleur comme un aveugle qui fuirait l’incendie de sa maison… Je vais lui dire que je vais fuir… Il est tard ; elle ne vient pas… Je ferais mieux de m’en aller sans la revoir… Il faut que je la regarde bien cette fois-ci… Il y a des choses que je ne me rappelle plus… on dirait, par moment, qu’il y a plus de cent ans que je ne l’ai vue… Et je n’ai pas encore regardé son regard… Il ne me reste rien si je m’en vais ainsi. Et tous ces souvenirs… c’est comme si j’emportais un peu d’eau dans un sac de mousseline… Il faut que je la voie une dernière fois, jusqu’au fond de son cœur… Il faut que je lui dise tout ce que je n’ai pas dit…

Entre Mélisande.