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LA LUXURE DE GRENADE

par les correspondants de ces corsaires qui, assis sur des tapis de Perse et couverts de bijoux, laissaient le soin de la vente à leur commis et affectaient une grande importance.

Cela faisait une foule bigarrée, sordide et magnifique, où se mêlaient les querelles, les débats pour le prix, la glorification de la marchandise. Mais il n’y avait guère là que les femmes laides ou âgées, les jolies étant gardées dans des appartements voisins par les entremetteurs qui faisaient payer un ducat, rien que pour les montrer. Ils gardaient aussi les jeunes garçons trop beaux destinés au plaisir et ils couraient de droite et de gauche, saisissant les passants par leur manche et leur faisant à haute voix des descriptions de seins fermes et de hanches opulentes, de torses creusés et de nuques droites.

Ce matin-là, Abul Hacen fendait la foule d’un pas rapide. Il était de mauvaise humeur. Il avait entendu un enfant le désigner par le surnom que ses ennemis lui donnaient : Le vieillard !

Des cris retentirent devant lui. Le marché reflua comme une vague. Les Kaschefs se précipitaient de tous côtés pour rétablir l’ordre, mais, reconnaissant l’Émir, ils dégagèrent devant ses pas la place à coups de bâton en sorte qu’Abul Hacen, de plus en plus furieux, se trouva malgré lui être le centre d’un groupe gesticulant et vociférant.

Une femme de petite taille était au milieu, tenant un poignard. Elle l’avait arraché à un Adalide des frontières et elle l’en menaçait ainsi que deux hommes dont les riches gandourahs brodées indiquaient le métier de marchands d’esclaves.