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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/105

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LA LUXURE DE GRENADE

Il affectionnait dans ses courses le marché aux esclaves à cause de l’espoir d’y découvrir une beauté exceptionnelle qu’il emmènerait sur-le-champ à l’Alhambra. Car le désir de la femme le tourmentait d’autant plus qu’il le sentait diminuer en lui. Il s’y rattachait comme à la plus sûre preuve de sa force d’homme. Les femmes le fatiguaient maintenant. Il les recherchait tout de même. Il rêvait de nouvelles étreintes lui procurant de nouvelles ardeurs.

Le marché aux esclaves avait lieu de bonne heure sur la place de Bibarrambla. Les esclaves se tenaient par rangées entre lesquelles circulaient les acheteurs. Quelques-uns étaient assis sur un petit coffre de bois qui contenait ce que leur avait laissé leur ancien maître. Il y en avait qui riaient pour paraître sympathiques. Les fournisseurs des galères examinaient avec soin leurs dents afin de savoir s’ils pourraient casser le biscuit, qui était très dur. On reconnaissait aux cicatrices qui couvraient leur corps, ceux qui s’étaient enfuis d’Espagne, pour être esclaves chez les Maures, afin d’être mieux traités. Ils faisaient signe qu’il leur était indifférent d’être vendus à l’un ou à l’autre, se trouvant chez des hommes qui seraient toujours plus humains que les chrétiens cruels qu’ils avaient quittés. Certains levaient leurs mains dans l’air pour montrer par les cals dont elles étaient couvertes qu’ils étaient habitués aux travaux des champs. Et des nègres, tenant leurs genoux entre leurs bras, fixaient le ciel avec tristesse, se souvenant du désert natal.

Presque tous provenaient des corsaires de Tunis et d’Alger et étaient amenés d’Almeria ou de Malaga