Aller au contenu

Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
LA LUXURE DE GRENADE

C’était une odeur fade mais très légère, une odeur de femme que les masseuses viennent de pétrir, une odeur de chevelure lavée et de peau où passe le premier désir. Cela se mêlait à un goût inattendu sur sa bouche humide, comme si la salive d’un baiser y était demeurée.

Il se leva, il alluma une haute lampe qui illumina la pièce, il regarda les coussins sur lesquels il dormait, ses vêtements Mauresques répandus, les manuscrits qu’il avait fait apporter de la bibliothèque de l’Alhambra. Il était bien seul.

Il se rappela ce que lui avait dit jadis Aboulfedia des incubes et des succubes et des plaisirs qu’un homme instruit dans la magie pouvait en tirer. Il y a des êtres qui ont le pouvoir de se dégager, la nuit, de leur corps et d’envoyer leur double vers d’autres êtres qu’ils désirent. Ils jouissent d’eux à leur insu, mais on peut par un effort de la volonté avoir conscience du plaisir que l’on reçoit, en sorte que dans le monde sans forme il y a des étreintes invisibles, des caresses d’autant plus voluptueuses qu’elles sont immatérielles.

Folies de sorcier ! se dit Almazan. Et pourtant ! Est-ce qu’à l’appel de son désir un autre désir n’avait pas répondu, est-ce qu’un double portant deux gouttes d’or clair dans ses prunelles n’était pas venu coller ses seins contre lui, ses seins qu’il avait tenus à Séville, ses seins précieux qu’il avait vus serrer la veille par un soldat Maure.

L’histoire de l’Adalide poignardé et de l’Espagnole que l’Émir gardait dans ses appartements avait couru l’Alhambra. Almazan savait qu’Isabelle de Solis, Zo-