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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/114

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LA LUXURE DE GRENADE

Il se rhabilla. Il sortit. La marche, pensait-il, le calmerait. Le silence de l’Alhambra était pesant. Sur les tours vermeilles une sentinelle marocaine chantonnait une mélopée. Les étoiles semblaient plus hautes que de coutume et comme inaccessibles. Il prit le chemin qui était entre les remparts et les murailles des palais et se fit ouvrir la porte basse qui faisait communiquer l’Alhambra et les jardins du Generalife.

Il avança au milieu des magnolias et des roses fabuleuses. Il monta des degrés de marbre entre des files de cyprès, il longea des parterres de fleurs disposés de manière à figurer des versets du Koran. Parfois les émaux d’un kiosque luisaient au milieu des buis ; un cygne réveillé glissait sur un bassin, contournait un belvédère et disparaissait dans les myrtes, comme une rêverie qu’on abandonne.

Almazan s’arrêta, entendant une musique très douce venir jusqu’à lui. C’était une voix féminine qui chantait plaintivement et qui faisait résonner les cordes d’une darboukah. Il était arrivé sur la neuvième terrasse à l’entrée du sentier de la Fontaine des lauriers.

Il regarda du côté d’où venait le chant. À quelques pas de lui, devant un cyprès minuscule, une femme était assise sur une peau de panthère. Almazan ne distingua d’abord qu’un fin visage sous un immense turban vert et la suavité de longues mains fuselées. Voyant que la femme ne portait pas de voile, il se détourna et il allait, s’éloigner. Mais elle le regardait sans ébaucher le moindre geste pour cacher ses traits. Les émeraudes de ses doigts et celles de ses prunelles