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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/125

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LA LUXURE DE GRENADE

ventre qui s’offraient, si bien qu’en voyant les cinq sillons sanglants laissés par ses doigts elle eut un petit rire de triomphe.

Mais Aïxa avait deux fois le volume d’Isabelle et elle finit par maintenir sous elle son adversaire. Son turban était tombé, ses cheveux s’étaient déroulés et sur son épaule elle perçut comme une goutte froide l’acier d’une large épingle aussi aiguë qu’une dague, qui était plantée dans ses tresses. Elle la saisit et se pencha pour en crever les yeux d’Isabelle.

Celle-ci avait vu l’éclair au-dessus d’elle, elle tourna la tête et mordit la cuisse d’Aïxa qui était à portée de sa bouche. Elle la mordit désespérément, mettant toute sa force dans ses dents. De douleur Aïxa lâcha l’épingle et saisit à deux mains, par la nuque et les cheveux la tête dorée, dont la mâchoire refermée mordait avec un délire de morsure.

Elle finit par l’arracher de sa jambe et comme par une sorte de trêve, les deux femmes se désunirent et, accroupies, se contemplèrent.

Il n’y avait plus en elles ni dignité royale, ni même jalousie féminine. La pensée ne les animait plus. Elles étaient deux bêtes avides de se renverser et de se mordre et d’obtenir chez l’autre l’immobilité de la mort.

Elles se contemplaient échevelées, dépouillées de leurs ornements, presque nues. Et tout à coup Isabelle éclata de rire, mais d’un rire étouffé, bas, car d’un commun accord elles agissaient le plus silencieusement possible et leur rage ne s’exprimait que par des soupirs.

— C’est parce que tes seins tombent, souffla-t-elle,