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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/126

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LA LUXURE DE GRENADE

que tu es chaste. Tu n’oses pas les montrer. Ils sont comme des outres vides.

— Tous les mariniers de Séville se sont pendus aux tiens, répondit Aïxa.

— Pauvre vieille !

Alors, des grossièretés entendues en passant dans les faubourgs, des propos d’esclaves surpris par hasard revinrent par le stimulant de l’outrage, à la mémoire de la noble et vertueuse Aïxa et elle les laissa s’échapper de sa bouche convulsée.

Elle les proférait en arabe et Isabelle à son tour les comprenait mal.

Et soudain la même pensée traversa leur esprit. D’un même bond elles se ruèrent sur l’éclair que faisait parmi les pierres du balcon la large épingle aiguë qu’Aïxa avait laissé tomber. Elles y arrivèrent en même temps, leurs têtes se heurtèrent, leurs mains se mêlèrent et l’épingle lancée par le choc, vola par-dessus la balustrade et tomba dans le Darro. Elles entendirent sa chute, comme un rire métallique, une musique rythmant leur désir de mort.

Elles se reprirent corps à corps, tels des amants assoiffés l’un de l’autre. Elles retombèrent et se tordirent sur la pierre. Elles haletaient d’épuisement. Elles sentaient leur chaleur réciproque. Leurs sueurs étaient mêlées, leurs peaux se collaient et le dégoût qu’elles avaient l’une de l’autre ajoutait à leur rage.

La main d’Isabelle saisit à poignée le sein droit d’Aïxa, le meurtrit et cela fit pousser un râle de douleur à l’une, un râle de triomphe à l’autre.

Aïxa prit le cou mince d’Isabelle et le serra de toutes ses forces. En même temps elles se cognaient