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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/130

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LA LUXURE DE GRENADE

voyèrent, comme chaque année, un ambassadeur pour percevoir les arrérages du tribut de douze mille pistoles en or, qui, depuis Ismaïl, était payé par les rois de Grenade à leurs voisins, les rois chrétiens.

Cet ambassadeur était don Juan de Vera, célèbre pour sa vaillance et sa beauté.

Isabelle voulut le voir et assister à l’entrevue qu’Abul Hacen allait avoir avec lui. Il fut convenu qu’elle se tiendrait, invisible, derrière une petite fenêtre grillagée pratiquée dans la hauteur de la muraille.

Le Hagib avait préparé les douze mille pistoles. La visite de Juan de Vera n’était qu’une formalité toujours la même où l’on échangeait des paroles courtoises et cérémonieuses, en langue espagnole, afin de marquer la vassalité du royaume des Maures, vis-à-vis du royaume de Castille.

Abul Hacen s’était étendu sur son divan avec plus de nonchalance que de coutume. Aben Comixer, l’alcaïde de Grenade, était à sa droite, le Hagib était à sa gauche.

— Qu’est-ce qui vous amène ici ? dit impérieusement Abul Hacen en langue arabe, au milieu de la stupéfaction de tous.

Don Juan de Vera expliqua sans se troubler en espagnol qu’il venait chercher le tribut annuel de douze mille pistoles.

Alors, par une inspiration spontanée qu’il attribua par la suite à Allah, mais qui n’était due qu’au désir de briller devant Isabelle et de lui montrer sa puissance de roi, sa désinvolture d’homme et la juvénilité de son caractère, il se souleva un peu, ricana et dit :