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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/15

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LA LUXURE DE GRENADE

l’entr’ouvrait. C’était Pablo, le serviteur de confiance de son maître Alfonso Carrillo. À l’écume blanchâtre qu’il avait sur les lèvres, à la torture de ses traits, à la blancheur laiteuse de son visage et de ses mains, Almazan voyait qu’il avait succombé à un poison minéral d’un effet rapide qui avait désorganisé ses nerfs et décomposé brusquement son sang.

Mais pourquoi l’archevêque de Tolède avait-il envoyé vers lui son serviteur à cette heure tardive de la nuit ? Pourquoi ce messager avait-il franchi à pied et non à cheval les quelques lieues qui séparaient Séville de la demeure où s’était retiré Alfonso Carrillo ?

Almazan avait annoncé sa visite pour le lendemain. Il voulait consulter son maître sur les propositions qu’il avait reçues du roi Maure Abul Hacen qui attirait à Grenade les poètes et les savants du Maroc et de l’Espagne et venait de convier le jeune médecin de Séville à s’installer à l’Alhambra. Il fallait que l’archevêque ait eu un motif bien impérieux de voir Almazan pour vouloir qu’il devançât sa visite de quelques heures.

Quel pouvait être ce motif ? Quel événement était survenu ?

Almazan fouilla les poches du mort. Elles ne contenaient rien. Le message était sans doute oral.

Il devait partir tout de suite. Il fallait prévenir l’archevêque de la mort de son serviteur. Mais pouvait-il laisser ce corps solitaire dans sa maison ? Lorsque son domestique Guzman rentrerait au matin, ne serait-il pas frappé de terreur en le trouvant, et qui sait à quelles démarches imprévues cette ter-