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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/158

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LA LUXURE DE GRENADE

la volupté du crime. Ce fut moi. Je me souviens qu’après je me mis à rire et que je la traînai par les pieds dans le jardin pour l’enterrer. Sa chevelure n’en finissait plus. Elle s’accrochait aux buissons et je tirais en riant. Je trouvai une pelle de jardinier, je fis un grand trou et je l’y jetai sans cesser de rire. Puis je remis la terre et je replaçai même le gazon. Quand ce fut fini, je m’assis en tenant mes genoux dans mes mains et je restai là, hébété, à regarder le soleil qui se levait au milieu d’un bouquet de cactus, maîtrisant encore des hoquets de rire. Mais le soleil ne se leva pas pour moi. Il ne devait plus se lever. À sa place, au milieu des cactus, inaccessible comme la beauté morale, triste comme l’âme qui s’éveille, il y avait le visage du Prophète qui me regardait. Je reconnaissais celui dont aucune image n’a reproduit les traits. Il me fixait et sa tristesse était comme un crépuscule. Alors je suis tombé sur le sol inanimé, et quand je suis revenu à moi, j’ai demandé avec une force puissante à Allah de me punir dans cette vie. J’ai été exaucé par cette maladie du corps et j’attendais l’autre châtiment. Peut-être va-t-il venir ? Mes trois frères sont allés aujourd’hui aux portes de la léproserie à l’heure où les marchands dressent leurs boutiques ambulantes. Or, la princesse Khadidja, la nièce de l’Émir, s’y était rendue aussi pour distribuer des aumônes aux lépreux pauvres. Et mes frères sont revenus, en proie à une sorte de démence, prétendant que la princesse Khadidja était exactement semblable par la grâce du visage et la sveltesse du corps à la jeune fille qu’ils avaient violentée, que j’avais assassinée et dont nous