Aller au contenu

Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
LA LUXURE DE GRENADE

Puis il ajouta avec un sourire déchirant :

— Ah ! bien en peine !

Et tout d’un coup il se pencha en avant, le visage illuminé par une expression de douleur et d’intelligence.

— Christian Rosenkreutz, toi qui es parti d’Allemagne et qui as marché vers l’Orient jusqu’au jour où tu as rencontré ces hommes sages qui t’enseignèrent le double symbole de la rose et de la croix, toi qui as reçu la mission de perpétuer la vérité, crois-tu que celui qui a tué dans cette vie peut être pardonné un jour ?

— Il n’y a pas de pardon pour les fautes, dit doucement Rosenkreutz. Il y a une loi d’équilibre. L’effet suit la cause et leur enchaînement peut être appelé pardon.

— Mais sans doute tu te détournerais si tu savais qu’un de ceux que tu as choisi comme un de les frères a volontairement versé le sang.

— Il n’y a de vrai crime que contre l’esprit.

— Écoute. Tu ne sais rien parce que tu n’étais pas à Grenade en ce temps-là. Je vivais alors de la même manière que mes frères et mes passions étaient encore plus effrénées. Imagine le pire. Une créature sans défense livrée à quatre forcenés, une créature dont le visage ne reflétait que des pensées élevées, servant de jouet à quatre hommes ivres, torturée, violée durant toute une nuit et assassinée quand l’aurore vint. Oui, une esclave achetée au marché, mais si parfaite par l’âme qui sortait de son regard ! Ce fut le plus misérable des quatre, le plus débauché qui la frappa en plein cœur, sans autre raison que