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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/160

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LA LUXURE DE GRENADE

loin, il l’a oubliée. Il n’y a pas de douleur dans sa vie. Sa pensée semble se développer extrêmement. Il doit appartenir à la plus haute élite. Le bleu azuré de la spiritualité rayonne autour de lui, mais là-bas, la petite flamme bleuâtre qu’il avait laissée en chemin a pris des tons sales et s’est éteinte. Il n’y a plus rien.

Almazan n’écoutait que distraitement. Il mesurait le temps qui passait.

— Voilà pour l’ancienne vie, dit Rosenkreutz. Mais peux-tu voir les possibilités des événements dans la vie actuelle.

Un temps assez long s’écoula et Soleïman reprit sur le même ton bas :

— Quelle mystérieuse loi, celle qui fait se réincarner en même temps pour la haine ou pour l’amour ceux qui se sont haïs ou aimés ! Les voilà côte à côte. Ils se sont rencontrés dans la même ville. Son désir d’être belle dans sa vie précédente l’a rendue belle dans celle-ci et elle a perdu la résignation et la fidélité qui avaient fait son malheur. Elle est maintenant comme une force naturelle qui a besoin de se répandre. Lui, a recueilli tous les avantages des efforts passés et la lumière qui est autour de lui est d’un bleu presque aussi pur que le tien. Je vois les êtres dans un brouillard, comme des lampes en mouvement. Mais tandis que la clarté que tu formes, toi Rosenkreutz, est solitaire et d’une essence inaltérable la sienne est dépendante d’une autre et peut devenir, en un instant, écarlate comme la passion ou brune comme l’amour du mal.

— Ne distingues-tu pas, dit Rosenkreutz, quel-