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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/163

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LA LUXURE DE GRENADE

irrégulièrement dressées. Aux pieds de l’une d’elles sur une galerie tournée vers les montagnes, il vit se mouvoir une goutte de lumière rougeâtre qui devait être une lampe. Cette goutte lumineuse se leva et s’abaissa deux ou trois fois puis disparut.

Almazan se souvint des paroles d’Isabelle. Dépitée de son absence, elle appelait auprès d’elle l’Almoradi Tarfé.

Ah ! le plaisir perdu ! La volupté qu’on aurait pu serrer contre soi et qu’on ne retrouvera plus ! Est-ce que le service de la vérité auquel il s’était voué était assez impérieux pour l’empêcher de posséder une femme dont il avait envie ? Certainement Rosenkreutz avait deviné son trouble et il l’avait détourné exprès, il lui avait volé ses heures d’amour !

Il se mit à courir dans l’Albaycin. Il descendit des rues au hasard. Il s’égara. Il remonta, essoufflé, hagard, la rue qui conduisait à l’Alhambra et il arriva à la porte de la Loi pour voir de loin deux eunuques qui y pénétraient. Il les reconnut aux magnifiques robes rouges qui étaient depuis quelque temps leur uniforme et dont les manches amples et les ceintures cramoisies étaient copiées sur celles des eunuques du sultan de Constantinople.

Le plus grand des deux échangea quelques plaisanteries, en passant, avec les soldats de garde. L’autre avait un turban enfoncé sur les yeux et Almazan reconnut, à la lueur du falot qui brûlait contre la muraille, la silhouette de Tarfé. Il avait ce je ne sais quoi d’entraînant et de léger que donne le bonheur.

Alors, Almazan, sans se retourner, à petits pas,