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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/162

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LA LUXURE DE GRENADE

dépouillée de sa part d’amour, roule dans l’infini des vies comme si elle était lancée par le désespoir. C’est l’injustice qui enfante le mal et l’injustice d’un homme intelligent et juste est ce que le monde peut créer de plus terrible.

Rosenkreutz avait fait faire un grand détour à son compagnon le long des remparts.

— Seulement, ajouta-t-il, Soleïman n’est peut-être qu’un visionnaire qui a gardé d’anciennes habitudes d’ivresse et tire de son imagination des images incohérentes qu’il croit sincèrement puiser dans la lumière astrale où le passé est inscrit.

Almazan poussa un soupir de soulagement.

— Nous savons peu de chose, dit encore Rosenkreutz. La sagesse prend souvent la forme de la folie et comment distinguer la part de vérité qu’il y a dans la fantasmagorie des rêves ?

Ils étaient rentrés dans Grenade et ils étaient arrivés devant la maison de Rosenkreutz. La nuit orageuse se déroulait avec les sombres nuages du ciel et Almazan calcula qu’elle devait être assez avancée pour que le messager envoyé par Isabelle eût frappé en vain à sa porte. Il serra la main que lui tendait Rosenkreutz, mais il ne se dirigea pas vers l’Alhambra. Il marcha au hasard dans les rues. Ses pensées se pressaient en foule dans son cerveau, il ressentait une sorte d’ivresse et le vent ajoutait au désarroi de son esprit. Il avait longé les quais du Darro et gravi, par la rue des Couteliers, une des pentes de l’Albaycin.

Il leva soudain les yeux et il aperçut la grande masse de pierre que faisait l’Alhambra avec ses tours