Aller au contenu

Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
LA LUXURE DE GRENADE

ter. L’Émir arrêtait alors l’élan de ses hommes pour pouvoir s’élancer seul, au milieu d’eux, frappant de son cimeterre à droite et à gauche. Il sentait alors une folie juvénile le posséder et il savait que le courage dont il faisait preuve serait par la suite le sujet de maints récits qui seraient rapportés dans l’Alhambra et feraient l’admiration d’Isabelle.

Une seule maison où s’était barricadé le vieil Antonio de Cuerdo et ses dix enfants coûta plus d’hommes à prendre que toute la ville. Ils avaient fait des trous dans la porte et ils tiraient à bout portant avec leurs arquebuses. Il fallut brûler la maison et on eut beaucoup de mal parce que la pluie éteignait sans cesse les brandons enflammés jetés sur le toit. Ailleurs, une jeune femme courageuse, tapie comme un chat derrière une porte, parvint à ouvrir le ventre de deux soldats Maures avec un couteau minuscule. Elle fut l’occasion d’une rixe. Il s’agissait de la punir. On lui avait lié les mains et on lui avait arraché ses vêtements. Deux partis se formèrent et faillirent en venir aux mains. Les uns voulaient l’épargner et la violer à leur aise. Les autres préféraient lui donner la mort sur-le-champ.

Mais presque tous les habitants se rendirent sans résistance. Des sonneries de trompettes les rassemblèrent sur la grande place où ils demeurèrent pendant que leurs maisons étaient pillées. Ceux qui eurent l’imprudence de rester chez eux tombèrent sous les coups de soldats enivrés par l’extraordinaire alcool du combat. Les richesses qu’on trouva furent immenses et il fallut trois journées pour les entasser sur des chariots.