Aller au contenu

Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
LA LUXURE DE GRENADE

Toute magie a deux sens, tout visage est faste et néfaste tour à tour, toute pensée vous déchire et vous enchante selon l’heure où elle est pensée.

— Isabelle ! répétait-il la tête dans ses mains ; et l’incantation de ces syllabes faisait accourir autour de lui d’inconcevables images.

Avant tout il fallait réfléchir, peser les vraisemblances dans la balance de la raison, être prudent, rusé, hypocrite.

L’accusation venait d’Aïxa et avait par conséquent toutes raisons d’être mensongère. Ne valait-il pas mieux en rire ? Mais Aïxa qui était pieuse avait juré sur le Koran, ce qui n’était encore jamais arrivé. Le Hagib avait aussi juré sur le Koran qu’Isabelle était au-dessus de tout soupçon. Mais le Hagib ne croyait à rien et il avait ajouté aussitôt quelques sages conseils sur la nécessité de ne s’occuper que de la guerre qui commençait. L’Almocaden qui commandait la garde à la porte de la Loi croyait bien avoir vu passer depuis quelques jours un nouvel eunuque dont il n’avait pas encore remarqué le visage, mais il ne se rappelait pas avec quel autre eunuque il était passé. L’énormité du fait, l’audace nécessaire pour l’exécuter semblaient prouver que tout n’était que calomnie. Il n’y avait pas à Grenade un jeune homme capable d’un tel crime et d’une telle folie. Pourtant, si l’on y réfléchissait, il était aisé de s’introduire jusque dans la chambre d’Isabelle sous le costume d’un eunuque. Mais est-ce qu’il n’y avait pas une porte de bronze, une muraille d’acier trempé autour