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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/17

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LA LUXURE DE GRENADE

de la part d’Alfonso Carrillo une protection qui ne s’était jamais démentie. Il avait d’abord donné l’ordre qu’on lui apprît le métier des armes, ce qui fut fait. Le frère d’Inigo, vieux soldat qui avait fait la guerre contre les Maures, les Portugais et les Français, lui enseigna à manier l’épée et la lance, à se servir d’une arbalète. Mais Almazan, ayant montré un précoce amour de l’étude, fut envoyé à l’Université de Salamanque où il suivit les cours du Trivium et du Quatrivium qui comprenaient l’enseignement de toutes les sciences connues.

Le protégé de l’archevêque de Tolède semblait destiné à suivre la voie ecclésiastique et à y réussir rapidement. À la surprise de tous, il en fut éloigné par l’archevêque lui-même qui l’encouragea à négliger la théologie et à aller étudier la médecine avec Abiatar à Cordoue, puis avec Aboulfedia à Séville, qui était plus alchimiste que médecin, qui passait pour hérétique et que la protection des banquiers juifs préservait difficilement du bûcher.

Almazan suivit les conseils de son maître. Il s’installa à Séville et il y eut un succès rapide.

C’est alors que l’archevêque de Tolède, le violent, le capricieux, l’extravagant Alfonso Carrillo, négligeant désormais la guerre, l’église et les femmes qu’il avait aimées également, passa par une singulière évolution.

Brusquement, il s’enferma dans son palais d’Alcala de Henares pour n’en plus sortir. La foi s’était retirée de son âme comme une mer qui laisse à découvert une grève illimitée. Il avait entrevu un monde nouveau. Il fit venir de Cordoue des chariots de ma-