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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/181

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LA LUXURE DE GRENADE

Assis devant une porte, un vieillard qui devait avoir près de cent ans, cherchait des yeux quelqu’un qui voulût bien l’écouter. Il criait :

— Un jeune homme seul peut y voir clair. L’Alhambra est le château des prostituées. Muhamad Alhamar qui fut un grand roi disait que pour régner il faut être jeune et vertueux.

Un peu plus loin un homme qui était entièrement recouvert d’un manteau safran et qui avait un turban et des babouches de la même couleur annonçait que tous les amis des Zegris devaient se retrouver à l’heure de la prière sur la place de Bibarrambla.

Il y eut un remous de foule et Almazan remonta dans la direction de la porte d’Elvire. Ce n’était pas sans tristesse qu’il voyait Grenade livrée aux factions au moment où elle aurait eu besoin de toute sa force pour triompher de ses ennemis.

— C’est ainsi toujours, songeait-il. Il en fut de même d’Athènes, de Rome, d’Alexandrie. Les villes sont comme les hommes. L’intelligence tue leur volonté et dès qu’elles pensent trop, elles meurent.

Il entendit des cris et des rires et il vit un singulier cortège qui s’avançait vers lui.

Un voyageur au gros ventre était monté sur un âne. Il était couvert de poussière, suait et riait. Ses jambes fluettes disparaissaient sous une infinité de sacs et de paquets. Il y avait à sa droite un pâle jeune homme qui tirait péniblement un fardeau attaché d’une courroie et à sa gauche, presque ensevelie sous des fleurs flétries et des branches poussiéreuses marchait, en boitant un peu, une équivoque fillette aux tresses brunes.