Aller au contenu

Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
LA LUXURE DE GRENADE

verte d’un capuchon de bure. La lune éclairait son visage et Almazan vit avec stupeur que c’était un lépreux.

Sous la déformation des lèvres et du nez brillait une expression de bassesse et de férocité. Il portait le cou en avant et sa tête énorme avait l’air de précéder ridiculement son corps trapu. Il parlait à voix basse, levant parfois une main horriblement blanche.

Almazan ne l’avait jamais vu et il crut pourtant le reconnaître. Il pensa que ce devait être un des frères de Soleïman. Il se souvint avoir entendu dire que les quatre frères étaient des parents éloignés d’Aïxa et que celle-ci avait demandé plusieurs fois à l’Émir de les faire sortir de la léproserie.

— Comme tu as bien fait, disait la Horra, d’être venu me trouver. Tu ne t’en repentiras pas.

Almazan n’entendit pas la réponse du lépreux dont la voix était rauque et étouffée, mais il vit Aïxa lever la main en désignant le balcon qui donnait sur les appartements de Khadidja et il entendit encore :

— C’est là. L’escalier tourne dans cette tour et aboutit juste en face de ce grand magnolia. On peut encore descendre par le grand escalier qui est au milieu, mais une femme qui a un rendez-vous d’amour n’a pas besoin d’être enlevée de force.

Les deux silhouettes s’éloignèrent sous les portiques qui bordaient le bassin des iris. Elles restèrent longtemps abritées par l’ombre d’un chêne-liège, comme deux grands rapaces nocturnes qui se sont embusqués pour le mal, puis elles se dirigèrent à travers les parterres de roses vers la porte qui faisait communiquer le Generalife et l’Alhambra.