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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/187

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LA LUXURE DE GRENADE

Que pouvaient tramer la femme haineuse et le lépreux luxurieux ? Almazan les suivit jusqu’à ce qu’il les ait vus disparaître et il demeura encore longtemps à errer dans les jardins, pensant que la princesse Khadidja était en danger.

Très tard dans la nuit, il rentra chez lui. Il y trouva deux messages. Le premier était en espagnol et ne contenait que ces mots :

— Quel dommage que tu ne m’aimes pas !

Le second était en arabe, sur un papier filigrané couleur émeraude qu’on ne fabriquait qu’à Alexandrie. Les caractères en avaient été tracés avec un calam trempé dans de l’or liquide. Le mince rouleau qu’il formait était noué de sept fils d’une soie presque invisible et d’une couleur correspondant à chacune des planètes.

Ce message disait :

« Les paroles ne sont pas nécessaires, même pas les pressions de main, même pas les regards. Les esprits ont des ailes et ils se retrouvent à l’insu de leurs corps ignorants. Chaque soir Al Nefs et Al Hewa (le désir et l’amour) marchent le long de la fontaine des Lauriers et me font des signes de loin. Ils savent que je suis derrière le volet de la fenêtre et ils murmurent pour moi ton nom dans la nuit chaude. Mais bien qu’ils soient des Gennis, ils ne le murmurent pas avec plus d’ardeur que mes lèvres. Aussi, je n’ai pas été surprise des paroles que tu m’as fait dire, je n’ai été surprise que de la qualité du messager. Si tu me dis de venir, que ce ne soit pas avec des mots, qu’aucune main ne tende de lettre, fais-moi signe