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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/191

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LA LUXURE DE GRENADE

tendres, plus amoureuses, qu’apportaient la nuit les fidèles, les divins Gennis. Et les âmes pures sont bien faciles à tromper.

À l’ordinaire habitude des hommes qui veulent absolument un signe matériel, Khadidja fit la concession d’écrire une lettre, une seule et elle sut tout de suite que la délicieuse minute de la première entrevue était proche.

C’était le temps où les fleurs des magnolias semblaient consumer leurs parfums dans leurs calices comme autant de cassolettes enflammées, où les roses s’écrasaient dans les parterres comme une foule de cardinaux chrétiens devant le château du pape, où les cyprès défilaient sous la lune comme des processions d’Imams pieux devant le tombeau du Prophète. Les visages des Gennis brillaient derrière les volets et Khadidja, assise sur son lit, la tête dans ses mains, médita toute la nuit le charmant et terrible problème.

Comment doit-on faire l’offrande de son corps à celui qu’on aime ? Une hypocrite, une traditionnelle résistance est-elle nécessaire ? N’y a-t-il pas la preuve de plus d’amour dans un don spontané ? Comment se présenteraient les choses ? Quels étaient les vêtements qu’il fallait porter ? L’union des corps entraînait-elle celle des âmes, mais convenait-il de la hâter ou valait-il mieux demeurer longtemps dans un état d’espérance susceptible de prolonger l’enthousiasme de s’appartenir ?

Et il fallut qu’elle se rappelât, pour s’endormir, que l’absence de sommeil glisse à l’aurore sur les visages, un léger masque de cendres.

Elle ne fut pas surprise le lendemain du message