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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/194

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LA LUXURE DE GRENADE

heurter le sol des rues inclinées. Comme les porteurs avaient raison de se hâter ! Les palais blancs qu’elle croisait avaient l’air d’appartenir à une extraordinaire cité de songe, à un univers fabuleux où elle errait à la poursuite du bonheur.

Des Kaschefs, qui faisaient une ronde, arrêtèrent un instant la litière à l’entrée de la rue des bijoutiers. Mais le coureur leur montra l’insigne qu’il portait à l’extrémité de son bâton et ils s’écartèrent avec respect.

La course folle recommença ; une inquiétude se glissa dans l’âme de Khadidja. Ce fut une inquiétude irraisonnée qui se formula d’abord par un sentiment de regret qu’elle se reprocha aussitôt. Comme elle serait bien en ce moment dans les jardins embaumés du Generalife, comme elle serait douce, la musique de sa darboukah, sur le tombeau du rossignol !

Elle souleva le rideau de soie de la portière. Elle était emportée à travers des faubourgs muets. Où donc Almazan l’attendait-il ? Comme c’était loin ! Il y eut quelques pourparlers devant le poste d’une des portes de la ville. Le coureur dit quelques mots, leva son bâton et on repartit.

Mais où ? Sans doute ces porteurs étaient sourds. Khadidja avait beau les appeler pour les interroger, ils n’entendaient pas, ils continuaient impassiblement leur course. Il y avait, hors de la ville, beaucoup de maisons de plaisance avec des jardins épais, arrosés de canaux, où les riches habitants de Grenade allaient passer l’été. Almazan avait dû en louer une ou peut-être, l’Émir avait mis à sa disposition une des villas qu’il possédait sur la route d’Elvire. Oui,