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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/205

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LA LUXURE DE GRENADE

Almazan ne l’aimait pas. Il ne l’avait jamais aimée. Elle s’était nourrie du mensonge de son imagination, et elle allait mourir toute seule, parfaitement seule, sans une pensée d’amour, au sommet d’une tour de pierre dominant une ville de lépreux. Voilà où l’avait conduite sa folie de rêve, sa démence de beauté.

Et elle entendit, claire, distincte, une voix qui dominait le tumulte d’une lutte, une voix qui venait de l’escalier et qui criait :

— Khadidja !

Au loin les remparts de Grenade avaient repris leur immobilité. La plaine de la Vega se déroulait autour d’elle, immense et nette sous la lune et elle était assise avec ses vêtements déchirés et sa chevelure éparse sur la balustrade de granit qui bordait la terrasse de la tour.

Elle prêta l’oreille et elle s’élança en avant. Derrière la porte ne retentissaient plus ni clameurs rauques, ni cris sauvages. Il y avait une unique voix, un peu angoissée, mais de plus en plus haute qui l’appelait par son nom et c’était la voix d’Almazan.

Il avait su ! Il était venu pour la sauver ! Alors, tout n’était pas illusion dans son histoire d’amour, les messages de Fatima étaient réels, Almazan lui avait bien donné rendez-vous ce soir et il n’était pour rien dans le piège qu’on lui avait tendu. Il l’aimait et il venait la chercher.

Elle allait ouvrir la porte, lui tendre les bras.

Une minute encore ! Ses voiles étaient souillés et déchirés ! Elle s’efforça d’en arranger les plis et de tordre sur sa nuque sa chevelure répandue. Elle