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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/208

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LA LUXURE DE GRENADE

Almazan était le seul homme pour lequel Abul Hacen eut de l’affection. Cette affection augmenta à partir de ce jour. Mais l’Émir mesura bientôt l’étendue des ennuis que la mort de Khadidja devait lui causer et ses funestes conséquences sur la destinée du royaume de Grenade. Le taciturne El Zagal ne pardonna pas à son frère Abul Hacen de ne pas avoir veillé sur la fille qu’il lui avait confiée. Quand il fallut reprendre Alhama, dont les Espagnols venaient de s’emparer, il n’envoya ni troupes, ni canons, il demeura enfermé dans Malaga et laissa sans réponse les pressants appels de son frère.

Aïxa la Horra, ainsi que son fils Boabdil, avaient reçu l’ordre de ne plus sortir de la tour de Comares. Un Almocaden fidèle avait été chargé du soin de les garder et des soldats se tenaient aux deux portes qui faisaient communiquer cette tour avec l’Alhambra. Durant toute la première soirée de cette captivité, Abul Hacen entendit, de la chambre où il se tenait avec Isabelle, son fils jouer de la flûte, comme il avait coutume de le faire, interminablement.

Il en jouait mal et cela irritait l’Émir qui était musicien. Très tard dans la nuit, l’Almocaden s’endormit aux sons de cette flûte lointaine qui le rassurait sur une possibilité d’évasion.

Au matin, la flûte résonnait toujours. Les heures passèrent et elle ne s’arrêta pas. L’Émir, exaspéré, envoya quelqu’un vers son fils pour le prier de ne plus jouer. Dans le même moment, il apprit que tout Grenade était en émoi à cause de l’évasion de Boabdil. Aïxa avait, pendant la nuit, fait une corde avec des voiles et il avait fui par une des fenêtres