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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/214

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LA LUXURE DE GRENADE

Bekr le Véridique pour le racheter à ce marchand.

Mais le Talisman ne fut pas enfermé dans le sanctuaire de la Caaba. Il fut confié aux guerriers pour la conquête. Okba et Abderame l’ont possédé. Ils s’en sont servis pour vaincre. Car la force ineffable que Moïse a enclose dans l’or est aveugle et elle obéit à ceux qui communiquent avec elle par la foi. Tant que les Arabes ont cru en elle, ils ont été les maîtres du monde. Maintenant leur cœur s’est fermé et la force s’est endormie dans l’inertie du métal. Mais suppose que les légitimes possesseurs du trésor réalisent leur désir millénaire de le retrouver. Car si les Juifs chérissent l’or d’un invincible et cupide amour, c’est qu’ils savent, consciemment ou non, que le génie de leur prophète, la vitalité de leur race, leur âme éternelle est quelque part, dans un bloc d’or verdi par le temps. Suppose que le Talisman reprenne sa place dans le Temple reconstruit de Jérusalem, au milieu du peuple demeuré sans alliage et que le reniement n’a pas altéré. Ce peuple pourra alors reprendre sa mission. C’est lui qui régnera sur l’univers.

Almazan était stupéfait d’entendre Aboulfedia s’exprimer avec cette passion. Il allait lui demander les causes d’un tel changement quand celui-ci s’arrêta. Ils étaient arrivés au milieu d’une étroite ruelle, devant la porte d’une maison sordide. Des cris et une sorte de zézaiement continu s’en échappaient.

Le visage d’Aboulfedia prit une couleur terreuse et la colère fit trembler ses lèvres.

— Ils ont recommencé à le tourmenter, bégaya-t-il. Ils vont voir !