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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/215

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LA LUXURE DE GRENADE

Il allait s’élancer dans la maison, quand par la porte entre-bâillée, jaillit une forme noire et velue qui traînait une chaîne et ne cessait de siffler et de jacasser.

Aboulfedia reçut la forme dans ses bras et la couvrit de caresses. C’était un singe de grande taille.

— Que t’ont-ils fait encore ? dit Aboulfedia en le berçant. Ils ont le vice dans la peau.

Dans le patio de la maison, au milieu de linges qui pendaient, Almazan vit le pâle Rodriguez et l’inquiétante Rébecca qui souriaient de façon trouble.

— Je lui apprends la danse, reprit Aboulfedia en montrant le singe. Aimes-tu la danse, Almazan ? C’est un art sublime qui est en décadence, comme toute chose. Vois-tu, une fillette dansant nue avec un singe, il n’y a pas de spectacle plus propre à élever l’esprit. Je te montrerai cela, un de ces jours.

Et il quitta brusquement Almazan.

Isabelle périssait d’ennui. Son pouvoir sur Abul Hacen était d’autant plus grand, car l’ennui donne aux femmes le mystérieux attrait d’une profonde pensée.

Personne, dans Grenade, ne savait jouer pour elle de la darboukah. Il n’y avait qu’à Constantinople qu’il y avait des musiciennes et des danseuses convenables. Ah ! Le Grand Seigneur était bien heureux ! Quelle tristesse c’était de vivre dans un petit royaume isolé !