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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/217

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LA LUXURE DE GRENADE

serré à la taille dans un pourpoint qui faisait valoir ses hanches larges comme celles d’une femme.

À chaque danse, il allait mettre un nouveau pourpoint, tour à tour bleu indigo, mauve passé au rouge de Chine, car, prétendait Aboulfedia, le musicien devait avoir un costume en harmonie avec celui des danseurs.

Dès que la guzla s’arrêtait, Aboulfedia, suivi de sa troupe, rentrait dans la salle de repos pour le changement des costumes. Ce changement était anormalement prolongé. La première fois, Isabelle s’impatienta et alla entr’ouvrir la porte. Mais quand on fut arrivé à la quatrième danse, ayant appris qu’un singe a autant de coquetterie qu’une femme, elle se résigna et fit apporter des sorbets pour attendre le dernier ballet dont les costumes étaient chinois.

Le soir commençait doucement à tomber. Les sorbets furent bus. Le temps passa. Personne ne sortait de la salle de repos et cette salle dégageait même une curieuse impression de silence. À la fin Isabelle se décida à y aller et ce fut avec stupéfaction qu’elle la trouva vide. Les costumes étaient répandus sur le sol dans le plus grand désordre, à côté de la guzla de Rodriguez. Mais le coffre aux clous de cuivre avait été emporté.

Isabelle gravit l’escalier, parcourut ses appartements, alla jusqu’à la piscine et jusqu’aux étuves. Il n’y avait personne. Quelle mystérieuse raison avait poussé Aboulfedia à repartir avec son éphèbe efféminé, sa fillette aux airs de garçon et son singe danseur, au milieu d’une représentation qu’il avait organisée ?