nuits paisibles, la « Bannière du Prophète » traversa la Méditerranée, chargée d’espérances et de trésors, avec, à la proue, son cygne blanc découpé sur l’azur.
Plusieurs années après, le Sultan Bajazet se faisait encore raconter l’entrevue qu’avait eue, pendant son absence, son grand vizir Daud-Pacha, avec l’ambassadeur du roi de Grenade, le célèbre marin Daoud.
Il voulait qu’on lui répétât les noms de femmes que celui-ci avait prononcés et qu’on lui décrivît l’étonnement de tout le Diwan quand il fut évident que l’Émir au turban blanc n’était, en somme, venu à Constantinople avec une escorte magnifique, que pour affirmer qu’une certaine princesse Khadidja avait des yeux couleur des plus pures émeraudes.
Et il tenait aussi à être certain que l’Émir Daoud avait versé des larmes quand on lui avait présenté les six danseuses qu’il devait emmener à Grenade pour son maître.
— Toutes celles que j’ai aimées, avait-il dit.
Le sultan Bajazet était un homme austère. Il avait proscrit la musique et la danse de son palais. Il recommandait la chasteté à ses ministres et à ses généraux et toutes les fois que la conversation revenait sur ce sujet, il levait, le doigt et disait :
— Rappelez-vous l’Émir Daoud et le sort de Grenade.
À côté de la cloche de verre, à côté du coffre aux