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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/229

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LA LUXURE DE GRENADE

avait aimé tant de femmes dans sa vie, à Grenade et dans tous les pays où sa destinée l’avait conduit ! Juana de Montana, la belle captive espagnole pour laquelle il avait refusé des rançons royales ; Djemilé, la poétesse de Fez, qui avait langui d’amour pour lui et était morte de ne plus le voir ; l’Albanaise Validé et la Vénitienne Lucrèce, avaient été ses maîtresses. L’Émir Daoud aimait ardemment et oubliait vite. Le désir qu’il avait pour l’une était rapidement remplacé par le désir qu’il avait pour l’autre. Personne ne comprenait qu’un chagrin d’amour ait pu rendre fou un homme qui devait savoir comme lui de quelles fumées sont tissées les passions.

Le reïs ne dormait guère. C’était lui qui, en fait, commandait la manœuvre de la « Bannière du Prophète ». Mais le commandement suprême appartenait à l’Émir. Celui-ci avait pris le reïs par le bras, comme on sortait du port d’Almeria, et lui avait confié avec un sourire qu’il comptait faire relâche dans la ville de Liampo qui se trouvait sur les côtes de Chine, pour y saluer la femme du gouverneur portugais. Le reïs redoutait, depuis, quelque détermination singulière.

Et qu’allait-il arriver à Constantinople ? Comment se passerait l’entrevue de l’Émir et du Sultan ? Est-ce qu’il ne devait pas essayer d’obtenir pour Grenade des secours en navires et en soldats ? Est-ce que le sort de la guerre n’était pas, en partie, lié à son habileté ?

Les vents furent favorables, les vaisseaux des chevaliers de Rhodes et ceux de la République de Venise furent évités. Par des jours ensoleillés et des