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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/234

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LA LUXURE DE GRENADE

magnétique active. Dans cette force, les Arabes avaient pu puiser, depuis les premiers jours. Si on la leur ravissait dans une minute critique, qu’allait-il arriver ? Le Talisman qui avait reposé dans l’Alhambra devait y demeurer. Il ne permettrait pas qu’un juif l’emportât.

Al Birouni se leva et s’apprêta à gravir les marches qui menaient au pont. Mais sans doute Aboulfedia, conscient de son imprudence, avait-il lu ses réflexions et sa détermination dans ses yeux, car il bondit et lui barra le chemin.

Ils n’eurent pas besoin de s’expliquer par des paroles, ils s’étaient compris. Al Birouni n’essaya pas d’appeler. Dans la cabine voisine, le chant des six jeunes filles, joueuses de luth, retentissait comme une prière, comme l’angoissant appel des cœurs que l’amour a brisés et ce chant aurait couvert sa voix. Il tenta d’écarter Aboulfedia. Mais une pensée meurtrière luisait dans les yeux de celui-ci. Les deux hommes étaient face à face, presque collés l’un à l’autre, silencieux et résolus, sentant derrière eux l’immense destin de leur peuple. Ils allaient se saisir à bras-le-corps quand le bruit qu’ils entendirent sur le pont les immobilisa.

C’était une sourde clameur épouvantée, un cri long, continu, l’appel désespéré d’hommes qui voient devant eux, sous la forme la plus inattendue et la plus terrifiante, l’apparition de l’inéluctable mort.

Tous les marins qui échappèrent dans la troisième