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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/24

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LA LUXURE DE GRENADE

corps était enroulé dans un châle. Elle ne portait pour tout vêtement qu’une courte basquine couleur saphir avec des volants de frange noire et l’on sentait que le châle avait été jeté vite autour de son cou au moment où elle avait fui et que la basquine avait été attachée à la hâte et tenait mal. Almazan vit sur son épaule droite, qui était nue, une meurtrissure provenant d’un coup ou d’une caresse trop prolongée. Il remarqua que le carmin de la bouche avait été écrasé par une autre bouche et s’était répandu, élargissant le dessin des lèvres. Un diamant, qu’attachait une chaîne d’or étincelait entre ses deux seins et elle portait un énorme rubis à sa main droite. Elle avait un parfum un peu animal et un je ne sais quoi de lascif et de fatigué se dégageait de sa peau.

Durant quelques secondes, elle trépigna de rage, le visage tourné vers le quai.

— Tu l’as entendu souffler et tirer le pied, dit-elle. Ça lui coûtera cher. Je le ferai ligoter une nuit et je le châtrerai de ma propre main.

Puis, satisfaite par l’idée de cette vengeance, elle se remît à rire.

— Qu’est-il arrivé ? dit Almazan. On en voulait à tes bijoux ?

Elle haussa les épaules.

— Mes bijoux ! Il s’agit bien de mes bijoux. Tu es naïf. À part le petit Rodriguez qui les aurait volontiers volés pour les donner à un pêcheur du Guadalquivir, les autres s’en moquent bien. Tu ne connais pas le petit Rodriguez ? Il a des yeux bleus et il est bien fait. Le vieux aussi l’aime. Mon Dieu ! quelle nuit ! Tiens, veux-tu ma bague en souvenir de moi ?